quai - 6
On ne dit pas d’une fille qui soupire qu’elle est une soupière.
On ne dit pas d’un adolescent obèse qu’il est un adoléphant.
On ne dit pas d’une fille qui soupire qu’elle est une soupière.
On ne dit pas d’un adolescent obèse qu’il est un adoléphant.
Quand je mange un fruit
je me dis que tout n’est pas perdu
que la vie va reprendre
et le sang
couler dans mes veines
des jours plus tranquilles
j’ai dans l’idée que mes dents
retrouveront leur férocité de naguère
quand elles étaient plus longues
et que mes bras
redevenus forts
porteront à nouveau
le poids de mes fautes
l’enfant que je fus
le silence à venir
Atlas et la Terre
le tracteur du voisin
sa bonne femme écarlate
le tombereau dans la cour
quand je mords à pleines dents la fontaine d’un fruit
j’habite
à l’angle des rues Schwarzenegger et Vin Diesel
une cabine téléphonique
je m’appelle Superman
tout est dit
quand je mange un fruit
je ferais mieux
de
reprendre une bière oui
Missionné par je ne sais quelle impulsion
je tentais vainement
depuis des heures de
couler des mots dans un cocon de soie
je rageais
m’échinais quand
au pied de la fenêtre
une Peugeot rouge
se gara
aussitôt s’en échappèrent
les décibels de la joie imbécile
vous écoutez Radio Pride sur 100 poings dans tes lourdes
adieu
mots
silence
cocon
que je couvais
autant sage que fou
la joie demeurait
n’y tenant plus
j’inclinai mon buste à la fenêtre et
tendu mais poliment
demandai à Monsieur la Joie de
« pourriez-vous faire un peu moins de bruit s’il vous plaît ? »
il m’entendit
ses yeux
à travers le pare-brise
avaient un éclat déplaisant
Monsieur la Joie tourna
ce qui me sembla être
sa clé de contact et
la voiture s’ébranla
il partait
brandissant
son majeur par la portière et rugissant
« va te faire enculer s’il vous plaît »
Stèle Jobs
« comptez-vous continuer
à vendre de l'eau sucrée
le reste de votre vie
ou voulez-vous changer
le monde avec moi»
en eau sucrée
Du gazole plein la nourrice
et bébé à bord
nous fendons zéphyr
sur la route des cocotiers
carnet de voyage 1)
bébé chie
crie
station-service à droite
ouvrez les fenêtres
premier arrêt
carnet de voyage 2)
carte en main
maman badaude
avise un tor
inusité
deuxième arrêt
carnet de voyage 3)
la route
usine d’embouteillage
ne remplit pas nos flacons d’aise
troisième arrêt
(derrière un trente-huit tonnes
Willy Betz)
carnet de voyage 4)
papa fume en compagnie du camion Willy Betz
bébé recrie
maman s’empiffre de carte Michelin indéchirable
(sur la voie d’urgence
flottaison blême et ravie
un naufragé de la route pensif parfois descend
à pied)
ultime arrêt
nous tendons le pouce aux oiseaux
ils n’ont pas lu Selma Lagerlöf
Des oiseaux trouent le ciel comme une volée de chevrotines
impossible de dire
s’ils montent ou descendent
ou passent simplement au-dessus de ma tête
c’est juste une théorie de points en mouvement dans l’azur
je me sers un autre verre et la bouteille est vide
soudain j’ai le visage couvert de mouches